
Publier sur Amazon, et Après?
Avec la sortie prochaine d’Operation Cheesestorm 2, et motivé à la fois par l’«affaire» Amazon (je laisserai le lecteur choisir son camp, car je ne suis jusqu’à présent publié que via Amazon), et par les mésaventures d’un écrivain avec la société américaine, – qui a gentiment voulu m’accorder une interview tout récemment, en ligne bientôt -, j’ai cherché à faire le tour des options actuelles en termes d’aide à là diffusion auprès du lectorat de l’auto-publié essentiellement. Mon approche est la suivante: je publie mes livres en 2 langues, bientôt 3, et après une première expérience avec Amazon, plutôt satisfaisante en termes de concrétisation de mon rêve de publier un jour un roman (mais pas vraiment en termes financiers), je cherche maintenant à étendre mon réseau de couverture, et je suis donc parti à la recherche des possibilités existantes pour les pays francophones dans un premier temps, et germaniques dans un deuxième.
(Je laisse de côté les sites de consommation en streaming via souscription. C’est dans cette catégorie qu’on retrouve les «Netflix du livres» comme Youbox, GoodRead, Youscribe, Babelio…dont certains sont en français.)
Toutes les sociétés ci-après, car il s’agit de sociétés avant tout, n’ont pas le même «business model», mais toutes sont des acteurs de la désintermédiation actuelle et se substituent de plus en plus aux acteurs traditionnels dans la chaine du livre (même si c’est toujours pour certains la «voie royale», les éditeurs traditionnels sont de moins en moins nécessaires en principe). Pour les besoins de cet article, les plateformes ci-dessous, sauf Createspace et Smashwords (bien sûr ?!), sont en français.
1) Plateformes de publication ouvertes aux auto-édités à vocation non commerciale (ou plutôt, qui ne permettent pas aux auteurs de mettre en ligne leurs œuvres pour un profit, mais uniquement pour les faire connaitre et diffuser gratuitement auprès du plus grand nombre)
> On y retrouve des «Communautés», comme celle des Canadiens de Wattpad, mais aussi WeLoveWords, Scribay (en beta, un clone de Wattpad), et les Belges d’Oniris entre autres…
D’après un rapport publié en juin par l’investisseuse Mary Meekers, Wattpad aurait plus de 40 millions de visites par mois en 2015, soit 40% de plus qu’un an plus tôt et est la plus populaire de ce type, avec un temps de lecture moyen de 30 minutes (idéal donc pour de la publication en série, un chapitre à la fois par exemple). Même si la plateforme est connue pour attirer un lectorat essentiellement anglophone et surtout féminin et jeune, les auteurs présents sont des deux sexes, internationaux de plus en plus (50% ne sont pas Américains/Canadiens), et ne publient pas que du «chick-lit» (voir Neil Jomunsi par exemple). Wattpad teste en ce moment-même différentes manières d’assurer sa pérennité financière future (qui reste douteuse), et s’orientera peut-être vers de la publicité de type «native» (pas de «réclames» à la Facebook) et son CEO assurait dans un article Techcrunch récent que l’usage de la plateforme resterait gratuit. Bien sûr, la question à poser est: combien de lecteurs francophones utilisent Wattpad? Difficile de savoir… L’intérêt du concept réside dans le côté «social» de la chose. Les lecteurs notent les extraits (qui peuvent être écrits à l’intérieur même de Wattpad qui propose un éditeur, y compris via les applications mobiles, dont une très réussie pour iPad, avec une «appli compagnon» pour création de couvertures, que j’ai testée). Pour aller plus loin, voici un excellent article du Monde.
Scribay, toujours en beta, se présente comme un «réseau social pour auteurs» et annonce déjà «400 membres et 700 publications» à en croire un article Actualité, ce qui est encore limité. Contrairement à Wattpad, je ne m’y suis pas inscrit, car il n’y a pas encore d’applis mobiles disponibles. La plateforme dispose aussi d’un éditeur et de petites différences: outre un export au format EPUB en un clic (à confirmer) des défis y sont lancés et la partie «communauté» a l’air sympathique et bien animée. Un bon point: la possibilité de lire par genre, ce que je n’ai pas trouvé sur WeLoveWords où la fantasy semble assez absente. À surveiller donc…
MonBestSeller est un nième clone de Wattpad. Quelques nouveautés pourtant, comme un «nuage», appelé «wall of books» sur la page d’accueil, avec des «tuiles» live représentant les intérêts du moment (rouges essentiellement, des romans, suivi de tuiles roses pour des récits de la même couleur). Des packs de promotion aussi, tirés de sites d’e-commerce, aux prix qui sans doute feront bondir certains.
WeLoveWords est une plateforme éclectique qui rassemblerait près de 13’000 (mi juillet 2015) journalistes, slameurs, romanciers, philosophes, nouvellistes, story-tellers, scénaristes et autre concepteurs-rédacteurs, pour 77’000 textes, essentiellement en français… C’est un joli fourre-tout dont se sont déjà emparés des annonceurs comme Renault (pour des insertions «natives», visibles en anglais, par ex. «We Love New Twingo: Write The Change»), mais aussi, et c’est un bon signe, des éditeurs à la recherche de nouveaux talents. Des concours y sont organisés régulièrement et il même possible de «participer à des concours et des missions rémunérés» via le «WordShop», dans lequel les auteurs sont sollicités pour produire du contenu destiné aux clients de la plateforme. Malheureusement, pas d’applis mobiles, mais une bonne idée au final, et à surveiller aussi…
Située en Belgique, Oniris est une plateforme communautaire francophone, qui outre la publication (pour les abonnés) de nouvelles en tous genres jusqu’à des romans complets, propose aussi des aides à l’écriture et regorge d’informations pour auteurs.
2) Plateformes de publication ouvertes aux auto-édités à vocation commerciale (y compris «freemium»)
> Ici, il s’agit de vendre ses récits (mais plus parfois). Sous cette dénomination se retrouvent les «enablers/boites à outils» de la première heure comme les Américains de Createspace, Smashwords et Lulu, mais aussi des plus récents ou de plus «localisés» comme Atramenta, InLibroVeritas, Blurb, Bookelis, les Allemands de BoD et tout récemment Iggybook (en beta aussi).
Ces premiers sites seront sans doute de loin les plus connus pour les «indies», et surtout Createspace, qui appartient à Amazon. Je ne reviendrai pas sur les prix des uns et des autres, car beaucoup de comparatifs existent à ce sujet, mais en général, publier via Createspace/Amazon est assez bon marché, et Amazon se targue de toujours détenir 70% du marché de l’eBook, mais la livraison en souffre (un auteur peut acheter ses propres livres à un prix relativement bas, mais les délais sont très longs, à moins d’y mettre le prix – c’est ma propre expérience en tous cas). Pour un bon article de fond, voir Le Souffle Numérique, c’est par ici.
Par ailleurs, outre le fait qu’il n’y a pas de comité de lecture (je ne parlerai donc pas des Édilivre et autres Publibook dans cet article, même très souples dans leurs choix – voir par ici pour un récapitulatif), ils sont accessibles soit directement (comme Amazon via KDP ou iTunes, mais uniquement pour des eBooks) soit indirectement via un «enabler»/«publieur» ci-dessus comme Lulu.
Cette dernière plateforme ouvre d’autres portes puisque si elle dispose de sa propre librairie, en ligne, elle permet également de publier ses eBooks via Apple/iTunes, Barnes & Noble/Nook, Amazon, et «d’autres revendeurs» (lesquels? Mystère…). Quelque 1.8 million de livres auraient été publiés par Lulu depuis 2002.
Atramenta, lancé en 2011 et basé sur un projet plus ancien, fait la même chose que Lulu soit service de publication eBook et/ou livre de poche, chez les revendeurs habituels (y compris Amazon, Apple, Kobo, mais puisque la plateforme est française, on retrouve certains des acteurs présents dans l’hexagone comme la Fnac, le Virgin Megastore, les libraires ePagine, Archambault au Canada…). En plus (très positif à mon sens après mon expérience sur Cocyclics), Atramenta est tout à la fois communauté, qui fleure bon les années 2000 de par son look.
Bookelis va encore plus loin en termes de couverture géographique puisque les partenariats négociés avec Hachette Livre permettent d’être présent «dans le monde entier» (le francophone plus exactement) et en librairie pour la version papier. Encore une fois, je ne parlerai pas des offres de prix, chroniquées ailleurs…
Revers de la médaille, si Amazon propose quelques outils de promotion (dont la fameuse période de vente gratuite), aucune des plateformes ci-dessus n’offre un quelconque outil d’aide à la vente (en tous cas, je n’en ai pas trouvés durant la rédaction de cet article), et l’auto-édité devra se doubler dans la plupart des cas d’un marketer…
3) Les «Hybrides»
> On trouve dans cette catégorie des «inclassables», au concept parfois novateur.
Ce sont essentiellement de startups comme Fyctia et Lecthot. La première est parfois comparée elle aussi à un clone de Wattpad. À mon avis, il s’agit plutôt d’une variation sur le thème, au sens ou un/des partenariats existe/nt avec des éditeurs courants, et «le but du jeu» est d’être publié «normalement» à la suite d’une victoire. Le site surfe sur la vague Anna Todd, et il fleure bon le réseau social d’écriture, mais avec une innovation, une compétition permanente dans laquelle les auteurs en herbe (je me demande quelle est l’âge moyen actuel des participants) ne peuvent continuer à poster des extraits que si les extraits en questions remportent le maximum de votes. Les «petits malins» y trouveront leur bonheur (voir un article à ce sujet ici). D’abord plus sérieux, Lecthot se décrit comme une «une interface mettant en relation lecteurs, auteurs et éditeurs». Je peine à trouver ma propre description et à comprendre vraiment de quoi s’agit-il d’entrée de jeu. Les fondateurs sont «formés en maisons d’édition et agences littéraires» (donc déjà issus d’un «moule» – note à l’équipe marketing de la société: est-ce vraiment à mettre en avant?), mais l’équipe comporte heureusement un entrepreneur web. Je clique sur le lien pour les auteurs et je comprends enfin qu’il s’agit d’un «intermédiaire filtreur» (un mot à rajouter prochainement au Larousse 😉 ). Bref, une sorte d’agent comme on en trouve outre-Atlantique, mais en ligne… Je me permet ici de répéter une description pertinente trouvée sur le site «Le Patelinant» d’Alain Touffait:
En d’autres mots, une personne envoie dans un premier temps son manuscrit à l’équipe de Lecthot. Cette dernière juge ensuite de sa valeur ainsi que de son potentiel de publication grâce à son comité de lecture. Dans un troisième temps le manuscrit est soumis à l’avis d’un panel-test de quelques 110 lecteurs. Une fois le pouls du lectorat recueilli, Lecthot est en mesure de proposer le manuscrit à une maison d’édition.
Iggybook a l’air prometteur pour les auto-édités: simple d’utilisation, personnalisable, connecté (à tous vos profils si vous le désirez), il est gratuit dans sa version de base, un peu simple quand-même, d’autant que n’importe quel internaute saura faire mieux avec un CMS de type WordPress (comme le mien), Booklaunch (spécialement conçu pour les lancements de livres – Merci à Nathalie Bagadey pour le tip!), Jimdo, Wix, ou encore plus simple, The Grid, ou les centaines d’autres qui existent, mais il est possible de vendre sur la plate-forme via l’offre payante. J’y ai ouvert un compte gratuit et ne manquerai pas de revenir sur le résultat.
Lancée en 2005, InLibroVeritas lui est un véritable précurseur. La société affirme couvrir l’ensemble des besoins de publication, d’édition et d’impression des auteurs et éditeurs, et je vous laisse le découvrir avant de conclure cet article avec un dernier concept original…
Récemment soumis à la liquidation judiciaire enfin, Bibliocratie était à mon sens un vrai OVNI, au sens ou il appliquait le principe du crowdfunding au petit monde du livre. L’«édition à compte de lecteurs» a à mon sens un avenir, même si un principe de type «course à l’échalote» comme les Français le disent n’était pas la meilleure des idées pour y donner un bon départ!
Grâce au digital, et je m’en réjouis, le milieu est donc en pleine mutation et il n’a jamais été aussi facile que de s’auto-éditer, même si au final le constat quand à l’auto-édition (et à l’avenir du numérique aussi) est plutôt négatif pour la francophonie en général (voir l’article de Thibaud Delavaud, assez représentatif à cet égard). Mais voici pour finir un petit article de futurisme sur l’industrie, via le HuffPost de l’ex Grande Nation…
À très bientôt!